De quand date la retraite publique en France ?

Question de :
Napoléon B.
Réponse de :
Julien

Cher Napoléon, tout d’abord un grand merci pour cette question ultra-🔥HOT🔥 ; j’ai justement récemment lu un dossier du COR très complet sur l’histoire de la retraite ce qui va m’aider à te répondre d’une manière pertinente.

En pratique on imagine souvent que l’idée de retraite publique est née à la révolution française, mais pas du tout : à l’époque la retraite était vraiment vue comme un sujet de prévoyance individuelle.

Les premiers régimes de retraite obligatoires sont catégoriels, et concernent les fonctionnaires (1790), les agents de la Banque de France (1806), et les mineurs (1820).

La capitalisation est de rigueur initialement, notamment avec les régimes de la Caisse Nationale de Retraite (1850) et des retraites mutualistes en 1852. Seuls 6% des ouvriers adhèrent à ces régimes dans les années 1910, et les dépenses de retraite représentent 1,5% du PIB (contre plus de 14% aujourd’hui). La couverture vieillesse décolle réellement avec la mise en place de la Loi sur les Retraites Ouvrières et Paysannes (ROP) de 1910, qui installe un régime pour tous les salariés dont le salaire est inférieur à 3000 francs de l’époque, avec un départ à 65 ans (tiens, tiens, déjà ?) et surtout un mécanisme de capitalisation !

Non, Napoléon, vous ne rêvez pas ! Cela a même valu plusieurs tribunes écrites par Jean Jaurès, figure emblématique du socialisme français, dans le journal l’Humanité, pour défendre la capitalisation par rapport à la répartition (vous ne rêvez toujours pas !), avec des arguments plutôt percutants :

  1. « la capitalisation, quand elle fonctionne au profit des ouvriers, est le contraire du capitalisme »
  2. « Avec la répartition, c’est sur les ressources annuelles de l’Etat que tout pose : et les retraites peuvent être exposées à toutes les vicissitudes des budgets annuels. » (Visionnaire !)

Malheureusement cette Loi est ensuite vidée de sa substance politiquement dans les années 1911 à 1913, puisque le régime n’est plus obligatoire suite à une décision de la Cour de Cassation ; seuls 20% des salariés sont alors couverts par les ROP en 1920.

Les lois sur les assurances vieillesses de 1928/1930 repartent sur les mêmes bases que les ROP en prévoyant un départ à 60 ans et 40% de taux de remplacement pour une carrière complète de 30 ans.

Les cadres sont exclus de ces assurances vieillesses, et obtiennent, à la suite des accords de Matignon de 1936 négociés avec le patronat, une protection sociale conventionnelle, ce qui pose les bases des différences que l’on a observées pendant plusieurs décennies entre le statut cadre et non cadre en matière de couverture retraite.

Ces régimes d’assurance vieillesse ne sont cependant pas suffisants, et le gouvernement de Vichy créée alors en 1941 l’Allocation aux Vieux Travailleurs Salariés, qui donne une retraite minimum aux plus de 65 ans qui ont cotisé aux assurances vieillesses, mais qui fonctionne par répartition ! C’est le premier régime par répartition dans la retraite publique.

Enfin, c’est en octobre 1945 que le gouvernement provisoire dirigé par le Général de Gaulle prend les fameuses Ordonnances de 1945 qui créent la Sécurité Sociale : « Il est institué une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent.

Ces ordonnances étendent la retraite publique à tous les travailleurs - même si certains régimes spéciaux perdurent (déjà !) -, installent définitivement en France le principe de la répartition, et la gestion des retraites par les Caisses de Sécurité Sociale.

gedeon
Julien n'a rien de prévu ce soir donc n'hésite pas à partager ta problématique retraite, tu auras la réponse demain au réveil ✌️.
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Excédents de l’AGIRC-ARRCO, que prévoit le gouvernement ?

Question de

Jean de C.

24/10/2023

Cher Jean,

Merci pour cette question qui nous replonge d’emblée dans le grand feuilleton de cette rentrée !

Il faut dire qu’on avait bien compris depuis quelques temps que les ressources de l’AGIRC ARRCO intéressaient le gouvernement, avec en particulier le sujet du transfert du recouvrement des cotisations AGIRC ARRCO par les URSSAF prévu pour 2023, puis reporté pour 2024 (et d’ailleurs en passe de disparaître dans le PLFSS 2024).
Cette fois-ci la tension monte d’un cran : le gouvernement souhaite que l’AGIRC ARRCO (géré paritairement, pour mémoire) contribue chaque année financièrement à l’équilibre du Régime Général (seulement).

Motif évoqué : grâce à la réforme des retraites 2023 (que les OS n’ont pas soutenue), le régime complémentaire des salariés du privé va faire des excédents dans le futur et donc il doit en rétrocéder une partie au Régime Général. 

D’emblée je pense que cette idée appelle quelques remarques :

1/ Oui, les régimes AGIRC ARRCO sont en excédents depuis quelques années et ont constitué une dizaine de mois de réserves de prestations. 

Ces excédents ont été obtenus grâce à des décisions plutôt courageuses mais globalement en défaveur des actifs et des récents retraités : 

  • les taux de remplacement de ces régimes ont largement diminué depuis 15 ans (via l’augmentation plus rapide du prix d’achat du point vs l’inflation, et moins rapide que l’inflation pour la valeur de service).
  • les jeunes retraités qui liquidaient jusqu’à récemment au taux plein étaient pénalisés temporairement par une minoration de pension (cf la précédente question HOT sur ce sujet)
  • certaines cotisations versées à ces régimes ne génèrent pas de droits et sont destinées à équilibrer le régime.

Cette démarche de responsabilité est vraiment remarquable en comparaison de la gestion laborieuse des régimes de base ou autres régimes spéciaux.

2/ L’idée même que la contribution évoquée ne serait affectée qu’au Régime Général des salariés est étonnante : les différents régimes de base s’équilibrent tous chaque année (via la compensation inter régime de bases), donc compliqué d’imaginer qu’1 euro de l’AGIRC ARRCO versé au Régime Général ne finisse pas au moins en partie à financer d’autres régimes.

3/ Une autre idée un peu dérangeante : c’est l’un des « bons élèves » des régimes de retraite - une fourmi - qui se retrouve taxé pour financer le reste de la classe - les cigales. Surtout que les bénéficiaires de l’AGIRC ARRCO sont plutôt des profils qui paient l’impôt sur le revenu…

Dans tous les cas, dans un pays où les efforts demandés à tous en matière de retraite sont équivalents (décalages d’âges ou de nombre de trimestres identiques), alors que certains partent avec beaucoup plus d’avantages en matière de retraite ou de durée de carrière que d’autres, cette ponction sur les complémentaires des salariés ne passe pas.

Au point que le vote du PLFSS 2024 (par 49-3, sûrement) pourrait faire tomber le gouvernement (via une Motion de censure) puisque l’ensemble des partis d’opposition sont contre cette mesure ! 

A priori, cela devrait infléchir un peu le gouvernement qui aimerait bien que les partenaires sociaux qui gèrent l’AGIRC ARRCO fassent cet effort volontairement… 🤔

Encore un sujet à suivre, assurément !

À bientôt 👋

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Julien

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