La transposition de l'ANI sur le partage de la valeur, à la loupe
Transposition de l’ANI sur le partage de la valeur : chronologie
Pour tout comprendre au projet de loi, il faut remonter un peu dans le temps. Alors on rembobine, au cas où tu aurais raté un épisode.
Chapitre 1 : l’ANI des partenaires sociaux
Tout commence en février 2023 : les partenaires sociaux présentent un accord national interprofessionnel sur le « partage de la valeur au sein de l’entreprise », qui est le fruit d’une négociation de trois mois, structurée autour d’une feuille de route transmise par le gouvernement.
Cet accord a le mérite de faire consensus. Il est signé par 4 organisations syndicales sur 5 (la CGT n’est pas signataire) ainsi que par les organisations patronales.
Et ce consensus est notable, car souviens-toi : en février dernier, le climat social est particulièrement tendu. Les débats autour de la réforme des retraites sont houleux, l’inflation est galopante, et certaines entreprises sont très critiquées pour leurs super-profits.
La Première ministre Élisabeth Borne, soucieuse de renouer le dialogue social et d’apaiser les relations avec les syndicats, s’engage alors dans la foulée à transposer cet accord dans un projet de loi.
« Ce projet de loi illustre ce qu’on souhaite faire avec les partenaires sociaux, c’est-à-dire leur laisser prendre la main », souligne-t-elle même à l’époque, se félicitant que les partenaires sociaux soient parvenus à se mettre d'accord sur le sujet.
Chapitre 2 : le projet de loi du gouvernement
Quelques mois plus tard, un projet de loi de 15 articles, transposant cet ANI sur le partage de la valeur, est présenté par le gouvernement, avec un engagement clair : celui de retranscrire fidèlement l’accord signé par les partenaires sociaux.
« L’accord et rien que l’accord », défend le ministre du Travail Olivier Dussopt, précisant que les modifications au texte ne pourront se faire qu’avec l’accord des signataires de l’ANI.
Le projet de loi est alors adopté en commission des affaires sociales en juin dernier, et soumis au vote de l’Assemblée nationale.
Chapitre 3 : l’examen du texte au Parlement
Après un léger remaniement par les députés lors de son examen en séance publique, le texte est approuvé en première lecture par l’Assemblée nationale le 29 juin 2023 avec plus de 80 % des voix (112 voix contre 27).
Et maintenant ? Eh bien la prochaine étape, c’est évidemment le Sénat. Il n’y a pas encore de date officielle, mais il est probable que les sénateurs se penchent sur le texte à partir de septembre-octobre, car l’entrée en vigueur de certaines mesures est prévue pour le 1er janvier 2024. Le timing est donc plutôt serré !
Les grandes mesures du projet de loi sur le partage de la valeur
Voici une synthèse des mesures qui représentent un changement significatif, et que tu dois donc absolument connaître.
Les mesures qui visent à élargir les dispositifs de partage de la valeur aux petites entreprises
Ce sont sans doute les 2 nouveautés les plus emblématiques de ce projet de loi, et il s’agit de dispositions mises en place à titre expérimental pour cinq ans.
1️) Les entreprises de 11 à 49 salariés devraient mettre en place au moins un dispositif de partage de la valeur : participation, intéressement, abondement dans un PEE ou un PER collectif, ou encore PPV (prime de partage de la valeur, ex « prime Macron »).
Bon à savoir :
- L’entrée en vigueur de cette mesure, initialement prévue en 2025, a été avancée au 1er janvier 2024 par les députés.
- Cette obligation serait uniquement applicable aux entreprises qui réalisent un bénéfice net fiscal d'au moins 1 % de leur chiffre d’affaires pendant 3 ans consécutifs.
2️) Les entreprises de moins de 50 salariés pourraient mettre en place à titre volontaire un dispositif de participation de branche ou d’entreprise pouvant être moins favorable que la formule légale.
Bon à savoir : les branches professionnelles devraient ouvrir une négociation d’ici le 30 juin 2024.
Les autres mesures phares
- La PPV pourrait désormais être placée dans les plans d’épargne salariale (PEE, PER collectif), et serait ainsi, dans une certaine mesure, défiscalisée et désocialisée (hors CSG / CRDS à 9,7 % et prélèvement sociaux à la sortie de 17,2 %).
- La PPV pourrait par ailleurs être abondée, c’est-à-dire que l’entreprise pourrait donner un montant supplémentaire si le salarié décidait d’investir la PPV dans le PEE / PER collectif.
- Les entreprises auraient désormais la possibilité de verser 2 PPV par an (contre une seule aujourd’hui) dans la limite des plafonds annuels pour l’exonération des charges sociales et fiscales (3 000 ou 6 000 euros, selon les cas).
- Les entreprises de plus de 50 salariés devraient prévoir une meilleure prise en compte des résultats exceptionnels, avec un supplément d’intéressement ou de participation, ou l’ouverture de négociations visant à mettre en place un dispositif de partage de la valeur comme une PPV ou l’abondement à un plan d’épargne salariale ou retraite.
- Un nouveau dispositif facultatif dénommé « plan de partage de la valorisation de l’entreprise » pourrait être mis en place par accord. Le principe : en cas de hausse de la valeur de l’entreprise pendant 3 ans, les salariés ayant plus d’un an d’ancienneté bénéficieraient d’une prime qui pourra être placée sur un plan d'épargne salariale.
- De nouveaux cas de déblocage anticipé de l’épargne salariale seraient introduits : rénovation énergétique de la résidence principale, dépenses engagées en tant que proche aidant, et acquisition d’un véhicule « propre ».
- Les limites d'attributions gratuites d’actions (AGA) seraient assouplies, et une plus grande portion du capital serait ouverte aux salariés, avec des pourcentages maximums définis selon la taille d’entreprise.
- Les PEE et PER devraient comporter un fonds satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique ou d’investissement socialement responsable, comme des fonds labellisés ISR ou Greenfin (en plus du fonds solidaire que ces dispositifs doivent déjà comporter).
- Les règles pour le franchissement des 50 salariés, conduisant à la mise en place obligatoire de la participation, seraient assouplies, avec notamment une suppression de la règle reportant l’obligation de participation en présence d’un accord d’intéressement.
- La participation pourrait faire l’objet d’avances, avec des versements en cours d’exercice. Jusqu’à présent, seul l’intéressement était concerné.
Voilà, tu sais désormais tout, ou presque, sur le projet de loi relatif au partage de la valeur. Garde bien en tête que si le texte est, comme prévu, adopté par le Sénat à l’automne, tu devras faire en sorte que ton entreprise réponde à ses nouvelles obligations assez vite. Tous les détails ne sont pas encore fixés, mais certaines mesures entreront sans doute en vigueur dès début 2024 ! Alors un seul mot d’ordre : l’an-ti-ci-pa-tion.
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