Thierry Grégoire, sur la capitalisation dans la retraite obligatoire.
Pourriez-vous vous présenter ?
Je suis PDG d’un petit groupe d’hôtels-restaurants à Toulouse, et président de l’UMIH saisonniers depuis 14 ans. J’ai ainsi été en charge jusqu’à fin 2022 de toute la négociation sociale dans la branche des hôtels-cafés-restaurants. Je siège également au comité exécutif de la CPME, je suis administrateur chef de file CPME du groupe Malakoff Humanis, et administrateur de l'Unedic (Assurance chômage) ainsi que de l'OCIRP (Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance).
Quels sont les enjeux de l’emploi des seniors dans le secteur de l’hôtellerie-restauration ?
Pour donner un peu de contexte, le secteur de l’hôtellerie-restauration est constitué à 90 % de TPE, et fait face à une forte pénurie de main-d'œuvre, qui s’est accentuée avec le Covid. Le secteur a du mal à recruter, en particulier au sein des jeunes générations, qui accordent de plus en plus d’importance à la qualité de vie au travail, et qui sont en recherche de sens. Il y a donc un vrai travail de fond, mené notamment à l’UMIH, sur l’attractivité du secteur et l’évolution des conditions de travail.
L’emploi des seniors au sein du secteur est marqué par un mouvement inverse : beaucoup de travailleurs de plus de 55 ans qui avaient quitté le secteur reviennent aujourd’hui. Ils étaient partis soit de façon volontaire, soit via des plans spécifiques comme des PSE (plans de sauvegarde de l’emploi), pour faire de la place aux jeunes, qui coûtaient moins cher. Ces seniors qui reviennent souhaitent continuer à travailler, parfois jusqu’à 70 ans, pour des raisons sociales, ou pour des raisons économiques, parce qu’ils ont de petites pensions. Cela crée un vrai enjeu de transmission entre ces seniors et les jeunes générations.
Quel est cet enjeu de transmission ?
Les seniors ont beaucoup à transmettre en termes de connaissances, mais aussi de savoir-être, qui est essentiel en hôtellerie-restauration. Il est important qu’ils puissent rester plus longtemps dans l’emploi s'ils le souhaitent, et que les jeunes puissent en bénéficier. Il faudrait donc créer un contrat responsable, pour faire en sorte qu’un senior proche de l’âge de la retraite puisse former un binôme avec un jeune salarié pendant un certain nombre de mois ou d’années, afin de le faire monter en compétences. Il existe déjà de tels dispositifs, mais ils sont très peu connus et appliqués au sein du secteur, et des TPE en général.
Quelle est la position de la CPME sur le projet de réforme des retraites ?
Nous prenons acte du recul de l’âge de départ, dans la mesure où travailler plus longtemps est une nécessité pour sécuriser et équilibrer les finances du régime dans la durée. Mais nous regrettons la tension autour de cette mesure d’âge, très éruptive, qui crée le blocage actuel. Nous avons d’ailleurs formulé un certain nombre de . Parmi les points qui me paraissent importants :
- Je pense que la prise en compte de l’usure professionnelle est la clé. Les critères devraient être définis secteur par secteur. Dans le secteur du tourisme, il y a par exemple beaucoup de travail de nuit, et cela a un impact sur la santé. Il faut arrêter de voir la pénibilité comme un tabou.
- Pour faire le lien avec les contrats responsables cités précédemment, il est essentiel de mieux encadrer les fins de carrière, et de travailler plus généralement à la sécurisation des parcours professionnels.
- Enfin, la CPME est favorable à un système de retraite complémentaire qui serait constitué d’une part de capitalisation. Les fonctionnaires en profitent déjà, il est temps que ce soit généralisé au secteur privé.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette proposition d’introduction d'une part de capitalisation dans le modèle actuel par répartition ?
L’idée serait de généraliser la capitalisation collective, en suivant le modèle de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), qui est un fonds de pension. Ce serait une mesure d’équité, qui contribuerait par ailleurs au développement économique de notre pays.
En effet, une partie des cotisations pourraient ainsi être investies en actions françaises. De nombreuses entreprises du CAC 40 comme TotalEnergies ou LVMH sont très critiquées pour leurs bénéfices records. Introduire une dose de capitalisation permettrait à tous les Français de tirer profit des performances de ces fleurons de notre économie. Aujourd’hui, ce sont beaucoup de fonds de pension anglo-saxons ou scandinaves qui détiennent des pourcentages de ces grands groupes et qui bénéficient de leurs profits…
Avez-vous mis en place un plan d’épargne retraite au sein de votre propre groupe d’hôtellerie-restauration ?
Nous travaillons actuellement à la mise en place d’un plan d’épargne entreprise, mais nous regardons aussi avec intérêt les plans retraite pour la suite.
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