Le rapport au temps de travail, à l’heure de la réforme des retraites

Et si on n’avait plus besoin de partir à la retraite ? Et si les syndicats avaient tout faux sur l’âge de départ à 62 ou 64 ans ? Et si on réinventait totalement la gestion de notre temps de travail et de notre temps de repos ? Ce sont quelques-unes des questions passionnantes que nous avons abordées avec Samuel Durand, qui a récemment dévoilé son dernier documentaire « Time to Work », tourné aux quatre coins du monde.
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Temps de lecture : 4 minutes

Peux-tu te présenter et nous parler brièvement de ton parcours ?

Bien sûr ! J’explore les transformations du travail depuis maintenant 4 ans. Tout a commencé par une « Learning Expedition » de 6 mois au cours de laquelle j’ai rencontré une centaine de personnes et d’entreprises innovantes à travers le monde. L’objectif était d’identifier les meilleures pratiques pour améliorer à la fois le bien-être en entreprise et la performance, et de compiler tous mes apprentissages dans un rapport d’étude

Depuis ce voyage, je continue à creuser ce sujet des transformations du travail, mais désormais de manière plus ludique : à travers des documentaires, des bandes dessinées et des événements.

Dans ton dernier documentaire, Time to Work, tu as parcouru le monde pour étudier le rapport au temps de travail. Quels enseignements en tires-tu ?

L’idée derrière ce documentaire était de répondre à la question « est-ce qu’on travaille trop ? ». Ce que j’en retiens, c’est qu’il y a des manières très diverses d’envisager notre rapport au temps de travail, et donc beaucoup de réponses différentes à cette question.

D’un point de vue personnel, je suis par exemple convaincu depuis longtemps par le modèle du « work-life integration », qui vise à trouver une harmonie entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle (contrairement au « work-life balance », qui suggère une séparation forte entre ces deux sphères). Ce documentaire m’a fait gagner en humilité sur le sujet : j’ai compris qu’en réalité il n’y avait pas de meilleur modèle dans l’absolu, mais plutôt un meilleur modèle pour chacun.

Quelles sont les grandes différences que tu as constatées en matière de rapport au temps de travail dans les pays que tu as visités ?

Il est toujours délicat de faire des généralités d’un point de vue culturel, mais c’est vrai que j’ai constaté une vraie différence entre les sociétés individualistes, comme en Europe, et les sociétés collectivistes, comme en Asie. 

Au Japon par exemple, le travail est beaucoup plus identitaire et la hiérarchie est très marquée. Cela mène à des situations que nous jugeons parfois dramatiques, mais qui ne sont pas forcément vécues comme telles là-bas !

Cette question du rapport au temps de travail résonne particulièrement avec l’actualité de la réforme des retraites. Quel est ton regard sur les débats qui ont eu lieu ?

Il y a eu une forte opposition, mais pas vraiment de débat. Et c’est très dommage. Toutes les discussions se sont par ailleurs polarisées sur l’âge de départ, alors que ça n’est, je pense, pas le fond du problème.

Pour moi, il y a 2 choses :

1️) Derrière le rejet très fort du travail entre 62 et 64 ans, il y a un rejet du travail en tant que tel. Il repose sur un profond sentiment de manque de reconnaissance et de valorisation du travail en France. C’est une question qui dépasse largement le sujet des retraites, mais qui n’a pas du tout été abordée dans les débats.

2️) Les parties prenantes n’ont fait preuve d'aucune créativité pour penser différemment ce que pourrait être la retraite.

Justement, quelle est ta vision de la retraite ?

J’ai écrit une tribune intitulée Retraites : réinventer le temps de repos dans laquelle je l’explique : on pourrait imaginer que le temps de repos soit pris tout au long de la vie et pas seulement à la retraite. Cela passerait par des mécanismes comme les congés sabbatiques, la semaine de 4 jours, ou les vacances illimitées, qui émergent de plus en plus en entreprise. 

La clef serait de donner plus de liberté aux travailleurs sur l’organisation de leur temps de travail et de leur temps de repos. Tout simplement parce que la pénibilité ne se joue pas uniquement de 62 à 64 ans, mais tout au long de la vie. Une meilleure gestion du repos sur l’ensemble d’une carrière a beaucoup plus de valeur que 2 ans de travail en plus ou en moins.

Je suis persuadé que beaucoup de farouches opposants à la réforme des retraites adouciraient leurs propos, voire changeraient leur position si on leur proposait la semaine de 4 jours sur l’ensemble de leur carrière. Dans ces conditions, beaucoup d’entre eux seraient sans doute prêts à travailler jusqu’à 64 ans, et même jusqu’à 65 ou 66 ans. Pourtant, ces sujets ont été totalement absents des débats !

Penses-tu que si l’on parvient à réinventer le temps de repos comme tu le suggères, avec des initiatives comme la semaine de 4 jours ou les congés sabbatiques, on n’aura finalement même plus besoin de partir à la retraite ?

Non, je pense qu’on aura toujours besoin de partir à la retraite ! Mais certaines personnes feraient le choix de partir plus tard, ou plus progressivement. Aujourd’hui déjà, il y a plein de gens qui s’éclatent dans leur job et qui n’ont pas envie de partir brusquement et définitivement à 64 ans. Si demain, les gens qui travaillent ont la possibilité de prendre plus de repos (et plus de plaisir) tout au long de leur carrière, on cessera d’idéaliser la retraite, et les personnes qui sont encore en forme auront envie de continuer à travailler bien après 64 ans.

Le concept de retraite pourrait aussi être réinventé. Plutôt que de le penser comme un temps d’oisiveté, on pourrait par exemple y intégrer des formes de travail, qui ne seraient pas forcément de l’emploi. 

Dans cette tribune, tu n’y vas pas de main morte avec les syndicats ! Pourquoi, selon toi, se trompent-ils de combat ?

Je pense que les syndicats ont fait un super boulot depuis Léon Blum et pendant tout le siècle dernier. Ils ont permis de réduire les durées légales de travail et d’augmenter les vacances, à un moment où l’amélioration des conditions de travail reposait essentiellement sur la réduction du temps de travail.

Aujourd’hui je pense qu’on a atteint des temps de travail plutôt raisonnables (même si on pourrait encore les réduire). Les progrès à réaliser en matière de conditions de travail sont donc plutôt à chercher ailleurs. Pourtant, les syndicats sont encore très focalisés sur le sujet.

Ils sont par ailleurs totalement absents des discussions sur le futur du travail. Je n’ai par exemple jamais entendu les syndicats défendre la semaine de 4 jours. Ils ne perçoivent pas tous les progrès que ça peut engendrer, et restent aveuglés par le danger d’une intensification du travail.

Quel est LE conseil que tu aimerais donner aux RH pour créer un rapport au temps de travail plus sain dans leur entreprise ?

En discuter tout simplement ! Je pense qu’il faut ouvrir un espace d’échange avec ses collaborateurs et collaboratrices sur le rythme qu’ils souhaiteraient avoir, et leur donner le maximum de flexibilité. 

- Le temps c’est ce qu’on a de plus précieux. Le meilleur cadeau qu’une entreprise puisse faire à son personnel c’est donc de lui donner la liberté d’organiser son temps comme il le souhaite !

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